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Grenier d'un écrivain en herbe

La couronne maudite

Couronne-maudite.jpg

 

Il se faisait tard.

La nuit approchait de plus en plus, et bientôt, le crépuscule étendrait son ombre sur la longue chaîne montagneuse que formaient les Monts Laëden. Une fois la pénombre devenue obscurité, celle-ci déchaînerait les forces destructrices du chaos. Oui. Ces même forces qui avaient réduites à néant le désormais tristement célèbre « Continent noir ». Tarinor était passé en l’espace de quelques jours du statut d’état florissant à celui de terre déchue de son charme. Tarinor la Maudite était ce fameux sobriquet qui avait bâti la nouvelle réputation du continent. Désormais, plus personne n’osait s’aventurer sur ces terres damnées par de puissantes forces maléfiques que personne ne voulait provoquer.

 

Cela, Danoré le savait déjà. Mais cela n’allait certainement pas être ces anciens récits qui allaient le contraindre à revenir sur ses pas.

En effet, le jeune humain de vingt ans avait reçu un pari des plus fous. Partir sur les terres de Tarinor et en revenir vivant. Plus exactement, avec la couronne factice d’Ardalyss – le dernier souverain du continent déchu par les dieux. Certes, même si cette copie de la véritable couronne perdue dans l'Ultime Bataille était fausse, le roi en avait fait une relique adulée par un nombre restreints d’adorateurs. Qui dit relique, implique un système défensif digne de ce nom. En peu de temps, des tours de guet s’étaient élevées vers les cieux, des murs étaient remontés des entrailles de la terre. Et enfin, pour mieux protéger l’objet érigé en relique royale, le roi Ardalyss fit appel à la magie de puissants mages, maîtres de magie noire pour lancer de nombreux sortilèges autour de la couronne. Ces mêmes mages, sur la demande de leur souverain avaient récité des incantations – dont eux seuls connaissaient la signification, et avaient fait apparaître de toutes parts des ronces qui avaient formé une demi-sphère autour de la couronne.

 

Danoré connaissait le récit de la fin du royaume de Tarinor depuis sa plus tendre enfance. Toujours, il se montrait attentif à ce que lui contait son précepteur elfique. La passion pour le royaume déchu le gagnait peu à peu. Or depuis maintenant cinq années, sa passion s’était vue renforcée par un nouvel engouement, celui de devenir un aventurier des temps modernes. C’est dans ce contexte propice aux décisions déplacées, que le jeune humain reçut en tant que défi, la proposition totalement folle de pénétrer en ces lieux que plus aucune forme de vie animait. Danoré avait toujours eu ce goût pour les défis de tout types, excepté physiques. Cette fois-ci, sa décision purement irréfléchie le mènerait à la mort. Une expédition même hâtée au royaume maudit, était l’équivalent d’un aller simple à la mort !

 

Mais la probabilité de ne jamais revoir son pays, sa ville et les siens ne l’avait nullement effrayé. Bien au contraire ! Cela avait fait naître, dans le cœur du jeune homme, une sensation d’excitation. Et puis, quand bien même cela aurait été le cas, Danoré ne pouvait se permettre de mettre à mal son honneur en bafouant une proposition pareille. Prenant conscience du grand danger qui l’attendait là où il se rendrait, le jeune homme n’hésita pas même une seule seconde. C’est ainsi qu’il donna sa promesse de ramener à Bel’daryn, son village natal, la couronne factice du souverain défunt. Il connaissait les risques d’une telle expédition. La veille du départ, il annonça la nouvelle à ses parents. Son père ne broncha pas et lui accorda aussitôt son approbation. Quand à sa mère, en proie à une crise de larmes, il lui promit que s’il venait à y laisser sa vie, elle se devrait de perpétuer le souvenir de sa mémoire. La mère se calma progressivement.

 

Le lendemain matin, tout le village s’était réuni sur la place publique pour dire un au revoir, peut-être même un adieu, à celui que certains seniors voyaient déjà comme un jeune homme aux capacités hors du commun. Pas de longs discours fastidieux. En guise d’un au revoir que lui-même pensait être définitif, Danoré leur concéda qu’il les appréciait tous et toutes, y compris ceux qui avaient osé lui lancer ce défi relevant de la folie à l’état pur. Avant de partir vers le continent maudit, il se retourna une dernière fois et leur adressa un ultime regard. Puis il partit, ne se retournant plus. En partant, des lamentations se firent entendre. Le cœur de Danoré était déchiré entre deux positions : le recul irréversible et lâche et l’avancée certaine et porteuse d’une grande confiance. La première possibilité n’était pas envisageable. Il n’avait plus le choix, il devait avancer vers l’inconnu. Ignorant les pleurs de femmes et de filles, il ne se retourna point et poursuivit son long chemin vers Tarinor, la contrée de tous les dangers.

 

Arrivé au sommet d’un talus, Danoré se retourna vers le lieu qui l’avait vu naître.

C’était tout simplement plus fort que lui. Il avait osé se retourner, jeter son regard en direction d’un passé sans doute révolu pour l’éternité. S’imposant des règles strictes, il s’était juré de ne pas s’arrêter de marcher avant d’avoir atteindre la frontière de son royaume de Merianor. Ladite limite frontalière se trouvait tout de même à vingt lieues plus à l’Ouest. Qu’importe ! Cela ne ferait jamais de lui, un peureux et un couard. C’est pourquoi, le jeune homme poursuivait inéluctablement son chemin vers Tarinor, le royaume Maudit. Il espérait que rien ni personne n’entraverait son trajet vers la terre déchue. De toute manière, il se disait prêt à affronter un quelconque démon ou autre créature à l’essence maléfique. Cependant, il fallait nuancer. Affronter une créature mortelle, soit, mais il était hors de question de fâcher les dieux ! C’est pourquoi, lorsqu’il s’en trouva à quelques cinq lieues du territoire tarinorien, il s’arrêta et sortit de son sac un morceau de manuscrit déchiré, et un bac à encens qu’il avait obtenu à prix d’or. Puis, reprenant sa marche, il lit plusieurs fois à haute voix ce qui était en fait des incantations pour repousser les forces du Mal. Simultanément, et tenant le bac à encens dans sa main gauche qu’il tenait en l’air, Danoré le balançait de l’avant vers l’arrière. Cela, afin de créer une zone de protection autour de lui. Bien entendu, pour que la « zone protectrice » soit permanente, le jeune homme se devait en permanence de réciter les incantations magiques et de diffuser une odeur qui éloignerait les mauvais esprits.

 

Noir.

Le paysage qui s’offrait à lui était d’une noirceur inquiétante. On aurait même dit que ce ne fut pas de la poussière qui recouvrait le sol, mais plutôt une sorte de cendre épaisse et menaçante. Les rares arbres en place étaient morts. Dénudés de toute feuille que ce soit, parfois le tronc coupé en deux, ces enfants de la Nature étaient morts sans avoir pu se défendre. Triste réalité. Pas un seul bruit. Il n’y avait plus de fleuve ou ruisseaux pour laisser entendre le déferlement du liquide vital. Il n’y avait plus aucun oiseau pour émettre de gais sifflotements dans les airs. Il n’y avait plus d’animaux ni d’êtres humains d’ailleurs. L’Ultime Bataille – qui a engagé la totalité des forces vivantes de cette contrée, humaine et animale, a balayé toute forme de vie. Autant dans les airs, sur terre et dans le réputé lac de l’Immortalité. Cette vison apocalyptique aurait fait céder au désespoir n’importe quelle âme chétive.

 

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M
<br /> <br /> Eh bien, l'attente fut longue... mais valait le coup. Comme toujours, c'est super !<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Merci ! Le plus formidable dans ce texte, c'est que cinq mots ont été son origine.<br /> <br /> <br /> <br />