Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Grenier d'un écrivain en herbe

Une poupée hors-normes - Troisième extrait

La journée de cours s’était lentement écoulée. Si lentement, que je n’avais pas cessé de souffler discrètement de désespoir durant chaque heure de cours que j’avais eu à subir. Lorsque j’étais dans mon état normal, je ne bronchais pas, même pendant le cours de français. Mais là, c’était différent. Non seulement, passer deux heures avec Monsieur Crossman – notre professeur de français, me paraissait déjà ennuyeux à mourir ; mais en plus sa voix monotone avait été à deux doigts de m’achever moralement. Dans tous les cas, à Midi, j’étais complètement anéantie par cette matinée, véritable épreuve du feu. Heureusement, que nous n’avions pas cours le lundi après-midi. J’ai toujours considéré cette absence de cours l’après-midi de certains jours comme une aubaine typiquement américaine, voire anglophone.

 

Habituellement, à la fin des cours, à 12 heures, je rentrais directement chez moi, via une navette de ville.

Mais ici, le contexte était fort différent. Je n’étais pas pressée de rentrer au domicile familial. À sa seule évocation, j’étais pris d’un sentiment de malaise. Je crois que je ne supportais plus de voir ce maudit animal. Non mais ! Elle a eu le sacré toupet de me faire ça à moi ! C’est pourquoi, en attendant, j’avais décidé de faire les boutiques en ville. Mon souhait était de clore la période de deuil en faisant acquérant une nouvelle poupée, aussi formidable que la Demoiselle de Paris. Pour cela, j’avais en tête quelques boutiques proches de l’école Nicholson. Seulement, deux d’entre elles étaient relativement voisines de l’établissement scolaire : The Little Doll et Doll's Universe. Le seul problème était que les deux boutiques étaient opposées l’une à l’autre. Il m’avait donc fallu choisir. Je choisi la seconde. Je pris le chemin du magasin L'Univers de la Poupée. Ce commerce était à un quart d’heure de marche. Je marchai dans la Paul Baxter Avenue avec hâte.

 

Boutique en vue !

La seule vision de ce petit magasin m’avait redonné un sourire. Toutefois, ce-dernier était quelque peu timide. Le feu passe au vert. J’avance. Non. Je cours. Quand je réalise quelle imprudente j’avais fais ce jour-là, j’ai honte de moi. J’aurais pu y laisser ma vie, si un automobiliste avait foncé dans l’avenue, ou si un motard fou s’était précipité de la principale rue sécante à laquelle la boutique faisait angle. Mes parents auraient été fous de douleur d’avoir perdu leur petite fille adorée. Voilà ce qui explique qu’encore aujourd’hui, je ressens un fort sentiment de honte.

Quoiqu’il en fut, je rentrai sans plus tarder dans le magasin.

 

« Ouah !!! » Telle a été ma réaction.

Bien que je connaisse déjà ce magasin, je n’avais pas cessé de m’émerveiller devant tant de poupées en rayon. C’était vraiment l’univers de la poupée ! Tous les modèles différents exposés étaient tellement diversifiés. Pratiquement toutes étaient si belles, si magnifiques ! Après avoir saluée la vendeuse, j’avais déambulé dans les rayons en quête de la nouvelle élue de mon cœur.

La première poupée en main avait pour nom, London Lady, c’était un modèle restauré de 1970. La robe était très jolie. En plus de son apparence typique de l’époque victorienne, ce qui suscité ma curiosité était son nom : La Demoiselle londonienne. Joli nom ! Mais je voulais voir ce que la boutique avait comme autres modèles. Deuxième poupée en main, American Schoolgirl. Modèle de 1940. J’avais aimé connaître l’existence de ce modèle américain. Celui-ci représentait une écolière type de ces années-là. Cependant, je n’avais pu m’attarder sur elle, puisque je voulais avoir un aperçu global de tous les modèles ici présents.

 

Je poursuivais mon chemin, fermement décidée à acquérir une nouvelle amie.

Autre rayon. Autre ambiance. D’un côté, divers modèles européens, et de l’autre que des modèles français. J’en étais restée sans voix. En effet, le simple fait que cette boutique ai répertoriée tant de modèles d’un même pays m’avait étonné jusqu’à la stupéfaction. Il devait certainement s’agir de copies d’après des modèles originaux, puisque posséder autant de modèles français était si rare, notamment chez les petits vendeurs. Fortement intriguée, j’avais décidé de m’aventurer dans cette « avenue sans fin ». Aussitôt, je sentis des dizaines de regards figés converger dans ma direction. Mais pas de frayeurs inutiles, ces poupées-là ne vivaient pas.

 

Soudain, mon regard s’était arrêté net sur l’une d’elle.

La Bretonne, modèle français de 1960. Ce que j’adore encore chez cette poupée, c’est sa manière d’être vêtue. Lorsque je l’ai ainsi vu, j’ai immédiatement pensé à un costume local. En voilà une qui m’avait assez intrigué pour que je daigne la dévisager avec insistance. J’ignorais ce qu’elle avait de plus que les autres. Tout ce que je savais, c’est que je venais d'avoir un coup de cœur pour cette poupée.

 

Vite. Appeler la vendeuse.

À l’accueil, la vendeuse parlait avec une dame âgée. Apparemment, cette dernière venait déposer son modèle, une poupée que je n’avais pu identifier. Après son départ, j’étais venue vers la vendeuse. Je lui avais parlé de la poupée en question qui m’intéressait. Elle s’était alors dirigée vers le rayon concerné. Arrivée là, je lui désignais du doigt, le modèle que je convoitais. Avec sa grande taille, elle descendit sans peine ma future poupée. Puis, elle repartit à l’accueil et la déposa sur le comptoir. « Cela fera 75 dollars, s’il te plaît. » Par chance, ce jour-là, j’avais 90 dollars, et donc, j’étais en mesure de l’acheter. Ce que j’ai fait. Après avoir salué la vendeuse, sourire aux lèvres, je sorti du magasin.

 

Aussitôt après être sorti de L’Univers de la Poupée, je n’avais fait que quelques pas, que je me suis mise à pousser un petit cri de joie. Plusieurs passants surpris se retournèrent ou me regardèrent avec étonnement. N’y prêtant guère attention, je fis route vers l’arrêt de la navette. Celui-ci était à quatre rues de la boutique.

13 heures 16. La navette s’engageait dans la Gloria Parker Street, du nom de la sénatrice démocrate. Je montais à l’intérieur après avoir montrée ma carte d’écolière au conducteur.

Direction la maison.

Pendant le trajet du retour, je m’étais contentée d’observer ce même paysage urbain, mêlant à la fois hommes et édifices mais aussi modernité et passé.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article