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Grenier d'un écrivain en herbe

Remède à une profonde lésion amoureuse

Paris en 1831. Une belle vient d'essuyer un échec amoureux, désormais elle se lamente  tous les jours. Son frère aîné, Charles-Henri De Dufault, qui est avocat engage un procès contre l'homme responsable de cette lésion amoureuse, Louis-Charles Henri Dupraix en portant "l'affaire" au tribunal.

Paris, le 18 mai 1831

Ma très chère et gracieuse soeur.

Je compatis face à la ténacité que vous opposez à cet immense flot de douleur qui vous assaille et qui n'a de cesse que de vouloir s'emparer de votre âme si pure, si bonne fut elle.  Séchez donc ces petites larmes qui découlent de cette morosité naissante, car vous voir pleurer ainsi ma soeur, c'est vous savoir capable de céder à la tentation de l'insoutenable chagrin; chagrin qui vous oppresse depuis peu et qui vous rend toujours plus meurtrie chaque jour. Cela m'attristait de vous voir ainsi. C'est alors que j'ai tenté d'y mettre fin. Pour cela, j'ai usé d'un stratagème bien connu de vous et moi lorsque nous étions enfants: la devinette. L'étrange jeu s'est déroulé entre moi et mon alter ego. Au final, il m'a remis en tête le nom de cet homme, source de tout ce mal qui vous accable et vous blesse.  Si ma mémoire - affranchie de toute contrainte - m'est toujours fidèle, il s'agit de monsieur Louis-Charles Henri Dupraix, l'enfant aîné du vicomte Jean-René Dupraix; dont les parents, des vendéens assez radicaux, furent tués par les armées de la jeune République alors naissante il y a moins d'un demi-siècle de cela.

Ma soeur, vous que je chéris tendrement, permettez-moi de vous conseiller en la matière: faites abstraction des sentiments que vous avez encore pour lui puisque - avant tout - c'est lui qui a eu mauvaise grâce de vous laisser dans cette anémie des plus importunes, telle une rose condamnée à vivre éternellement et n'ayant comme unique issue que de se fâner petit à petit. Cependant, vous pourrer sans doute comprendre avec aisance que bien que ce soit lui qui vous ai délaissé, il n'est pas exclu qu'il éprouve encore quelques sentiments pour vous, malgré son geste "haissable" qu'il a commis à votre encontre.
Il se peut fortement qu'il se souvienne encore de votre sublime prénom, et ce à plus forte raison si votre relation fut ponctuée de déclarations amoureuses que vous vous renvoyiez tel un jeu de balle. Vous venez d'échapper, -  sans plus un doute possible -, au monstre à l'allure apocalyptique quest le Gouffre de l'Oubli.
Mais, puisque le vilain gentilhomme est Louis-Charles, je vous prirai d'écouter ce que j'ai à vous dire de votre oreille la meilleure; ne vous risquez à aucune autre tentative quelle quelle soit et ce, sous aucun prétexte faute de quoi, le poison introduit en grande quantité en vous suffirait à vous terrasser sans vous laisser, ne serait-ce qu'un trop faible répit si souvent quémandé.
Si par mégarde votre âme venait à expirer son ultime souffle, sachez que moi, - votre frère bien-aimée -, je vous survivrais qu'éphémèrement; il y aurait dan ce cas précis duex décès dans la prestigieuse capitale et cela ternirait gravement son illustre image. Je serai alors dans l'impossibilité de guérir mes profondes lésions que votre décès aura provoquée en moi. [...]


Après lecture de cette lettre, la prénommée Lucile songea affectueusement à son frère aimé de tous. La flamme de l'Affection présente en son coeur n'en fut que ravivée. Elle aimait son frère d'une force surnaturelle; et pour rien au monde elle ne souhaitait le perdre. La jeune Lucile posa ladite lettre sur la table ronde d'à côté, s'approcha de l'immense fenêtre et posa ses douces mains sur la froide surface de la vitre. La capitale française s'offrait à elle.  Ce paysage était lugubre, - totalement métamorphosé, et en proie à une pluie sombre. Voici quel a été le paysage qui s'est offert à ses yeux consolés. Des yeux consolés avec le présent, car il y a peu encore, un odieux drame affligeait la jeune femme dans une profonde douleur. C'était il y a vingt jours de cela. Mademoiselle Lucile De Dufault goûtait alors aux joies que lui procurait son amant, Monsieur Louis-Charles Henri Dupraix. Lorsque, sans crier gare, le fils du baron croisa le regard de Victorine De Bévent, une fille de riches bourgeois. Il cessa alors du jour au lendemain de fréquenter Mademoiselle Lucile; et s'en alla courtiser mademoiselle De Bévent. Il ne lui écrivit plus, ne lui adressa plus la parole et ne prit même plus la peine d'aller lui rendre visite.

peinture , jeune fille lisant , Fragonard[1]
 

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