5 Juin 2010
La province
2.
— N'ai pas peur petite alouette, je ne te veux aucun mal. Laisse-donc toi approcher par ma main lavée de toute haine que ce soit.
L'oiseau, rassuré, se laissa approcher. La jeune femme en profita pour le caressa doucement mais longuement.
— Que ton plumage est magnifique bel oiseau. Je désirerais être réincarnée en alouette pour en posséder un pareil au tien.
L'oiseau sifflota gaiement en signe d'une joie manifeste. Chen, elle, esquissa un sourire.
Elle ôta sa main du dos de l'alouette hume, une espèce d'oiseau très présente en Chine. A l'évidence, tout ce temps passé dans la forêt proche du village avait fait défilé les secondes. La jeune Chen se devait de rentrer au plus vite à la demeure familiale.
Chen Féng du haut de ses vingt et un ans était la fille d'un riche marchand du village de Taoji, situé à une dizaine de kilomètres de Chang'an, la capitale. Sa stature était de l'ordre d'un mètre soixante-dix. Elle avait les yeux couleur amande et ses cheveux étaient d'une noirceur éclatante. La finesse avait façonnée son corps de manière à ce que même les paysans les plus grincheux sourient à son passage.
En ce soir de l'année 124 avant notre ère, Chen était vêtue d'une longue robe couleur mauve, que sa grand-mère maternelle lui avait confectionné peu avant de dispraître subitement à l'âge de quatre-vingt quatorze ans tout simplement à cause la longévité vénérable qu'elle avait su atteindre. En portant cette magnifique robe, Chen faisait honneur à l'âme de sa grand-mère.
Lorsque la jeune femme arriva en bordure de son village, elle vit une silhouette courir dans sa direction. Cette personne n'était autre que Yuan, sa mère. La quinquagénaire était devenue folle d'inquiétude à la seule idée de ne pas savoir où pouvait se trouver sa fille aînée. Yuan Féng ne mesurait pas plus d'un mètre cinquante, mais cela lui importait bien peu.
En effet, elle savait où retrouver toute sa dignité. Dans sa jeunesse, Yuan avait eu le grand honneur de figurer parmi les dames de la cour impériale. Et elle avait su se montrer influente, afin de séduire de riches dignitaires. Cette séduction ne porta pas ses fruits là où la jeune femme les attendait. C'est en déambulant dans le bourg de Taoji, qu'elle rencontra son futur époux, le modeste marchand Chan Baozu. [...]