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Grenier d'un écrivain en herbe

Lettre à la duchesse de Clérigny

Lundi 19 mai l’an de grâce 1735,

 

  Ma chère bonne, si je vous écris, c’est pour vous manifester l’évidente joie qui me touche en ces temps bienheureux. Si vous pouviez savoir à quel point je suis en proie à une euphorie qui semble durable, à court terme du moins. […] Ce courrier qui vous est destiné, traitera de l’excellente nouvelle qui m’enchanta grandement : votre ascension au sein de la hiérarchie sociale de notre temps. Voici quelles en furent les prémices.

  J’étais en train de converser paisiblement avec mes semblables, dont la Comtesse de Fontenay-le-Comte, sur le mouvement – aujourd’hui obsolète, qu’est la Préciosité. Je ne vous cache point qu’en tant que bonne bavarde que je suis, je n’ai pas manqué d’animer la discussion. C’est là, mon moindre défaut. Ce dernier est confirmé par ce conseil que me prodigua Maître LeMoine : « Ma chère, vous apprendrez bientôt à vos dépens, que trop parler provoque une forte lassitude chez vos interlocuteurs. » Quel grand homme ce LeMoine. Hélas ! je n’écoutai guère son conseil.

  Quoiqu’il en fût, au cours de cette conversation, un messager arriva. Il s’excusa de devoir nous importuner et me confia – en mains propres une lettre cachetée du sceau royal. Dès cet instant, il me fut difficile de contenir mon exultation naissante à mes semblables. Et c’est pourquoi je me contins, non sans difficulté. Ma réaction apparente fut des plus ordinaires. N’en dites rien, je vous prie. Ladite réaction est tout à fait naturelle. Il s’agit d’un de mes multiples instincts maternels. […]

  Après son départ, je relus la présente, jusqu’à ce que je fusse convaincue de son bien-fondé. C’est alors que mes doutes les plus tenaces se dissipèrent.

  Pouvez-vous imaginer l’ampleur de l’euphorie qui fut mienne ? Sans vouloir vous navrer, je ne le pense pas. À l’évidence, c’est une trop grande entreprise que je vous impose de réussir. Dans tout les cas, j’ai été ravie d’apprendre votre venue à la cour du Roi. De forts beaux sentiments m’ont envahie.

  Votre présence parmi les plus hauts dignitaires du royaume me réjouie. Elle réjouie un cœur qui s’est longuement efforcé de rendre véritable ce qui est désormais, devenue une réalité. […]

  Que je suis heureuse de vous savoir entre de bonnes mains. Là-bas, les nobles sauront prendre soin de vous. Ils répondront à tous vos désirs et requêtes quelles quelles soient. Du moins, je le souhaite de tout mon être. […]

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Lettre de Mme de Brégnan (Bérénice) à sa fille, la respectée Duchesse de Clérigny.

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